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Les problèmes de la société américaine 

Mary O’Toole, ancienne profileuse du FBI et auteur de Dangerous Instincts, expliquait dans Libération en 2014 : « On ne devient pas tueur de masse du jour au lendemain. C’est un long processus évolutif qui peut débuter très tôt. Quand je demande aux enseignants à partir de quel âge un enfant peut développer des pensées suicidaires ou homicidaires, ils me répondent : dès 5, 6 ou 7 ans ». 

Selon l’Incorrect, plusieurs facteurs dans la société américaine participent à la mise en place de cette délinquance et/ou déviance : le culte de la réussite sociale, l’usage massif de médicaments et de drogues, la fascination pour les célébrités, la présence d’armes dans quasiment tous les foyers et la culture de la violence.

Le journal met en avant que les tueries se produisent dans des Etats « modernes et compétitifs ». Dans son livre Tueurs de masse, Olivier Hassid explique que ces Etats fonctionnent en « valorisant le winner ». Nous remarquons que la plupart des tueurs de masse sont des « outcast », des personnes différentes mises à l’écart par la société parce qu’ils sont moins bons ou moins sociables et qui ainsi nourrissent une certaine rancœur envers cette société. Nous avons ici à faire à un processus de déviance : l’individu a « une conduite, un comportement ou une attitude qui s'écarte des normes sociales en vigueur, qui les transgresse ou qui les conteste. Considérée comme une menace pesant sur l'intégrité de la société, la déviance fait l'objet d'une réprobation sociale, voire d'une stigmatisation », selon www.toupie.org.  Ces personnes sont déjà fragiles, souffrant de troubles psychologiques, comme la dépression et la paranoïa, et c’est un évènement de trop – une rupture amoureuse, un licenciement, une moquerie dans le milieu scolaire – qui va faire déborder le vase et faire sombrer cet individu dans l’ultra-violence. Pourtant ces individus sont loin d’être stupides ou plus bêtes que d’autres, la preuve : ce sont des actes prémédités qu’ils commettent, c’est une véritable organisation et ils sont totalement conscients de ce qu’ils font.

Un des gros problèmes aux Etats-Unis, c’est le mal-être chez les adolescents qui peut perdurer jusqu’à l’âge adulte. 12% des adolescents américains sont suivis et traités par des psychiatres et des psychologues pour des problèmes d’anxiété, de dépression ou d’hyperactivité, problèmes liés notamment à ce culte de la réussite sociale. Et aux Etats-Unis, on prescrit facilement des médicaments et on se retrouve très vite avec des situations alarmantes, comme par exemple des bébés de 2 ans qui prennent déjà des antipsychotiques et des antidépresseurs. Il y a donc des médecins dans le pays qui prescrivent du Prozac - un antidépresseur qui a pour effets secondaire un comportement suicidaire -  à des enfants tellement jeunes ! Toujours selon l’Incorrect, cet usage excessif de médicaments amène une banalisation de l’usage de la drogue. En 2017, on compte 174 morts par jour à cause d’overdoses, trois fois plus qu’en 1999 ! Selon Le Monde, en 2016, une personne est morte toutes les huit minutes d’une surdose de drogues.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui est surprenant, c’est que dans six cas sur dix, ces overdoses sont dues à une prise, légale ou non, d'opioïdes. Les opioïdes sont de la même famille que la morphine et ainsi prescrites en tant qu'anti-douleur par les médecins. Or il y a un grave souci d’information dans le domaine du médical aux Etats-Unis. Selon le National Safety Council (NSC) et CDC (Centers for Disease Control and Prevention) qui est le centre de prévention et de contrôle des maladies, une grande partie des médecins prescrivent mal ces anti-douleurs qui entrainent des modifications négatives du cerveau et peuvent développer une addiction s’ils sont pris trop régulièrement.

 

Le troisième facteur est la fascination pour les célébrités, mais ici il faut comprendre que le mot « célébrités » désigne les tueurs de masse qui ont marqué l’histoire et qui sont pour ces jeunes source d’inspiration. On appelle cela le « Copycat crime » ou encore l’effet Werther. C’est un acte criminel qui est inspiré par un crime commis antérieurement et reporté dans les médias ou bien décrit dans une fiction. Un copycat est donc l’imitateur du modus operandi d’un criminel réel ou fictif. Son deuxième nom, l’effet Werther fait plutôt référence à un suicide mimétique. Cette appellation provient du roman à succès de Goethe, Les Souffrances du jeune Werther . Suite à sa publication en 1774 et son succès, beaucoup de jeunes gens se sont mis à adopter le style décrit dans le livre des deux personnages principaux, Werther et Charlotte. Or dans ce roman, Werther finit par se suicider, et le nombre de suicides utilisant la même méthode que Werther se multiplie. Le livre sera par la suite interdit par l’Eglise. En 1974, le sociologue David Phillips commence des recherches pour prouver l’existence d’une corrélation entre des cas de suicides médiatisés et le nombre de suicides qui en découlent. En 1992, il publie Suicide and the media, la synthèse de ses travaux qui montre que le phénomène des suicides de masse est bien lié à l’hyper médiatisation de certains évènements ou à la popularité d’une œuvre de fiction.

C’est ce phénomène de mimétisme que le célèbre auteur Stephen King a démontré dans son essai Guns, suite à la publication de son roman Rage où un adolescent au nom de Charlie Decker prend sa classe en otage et tue sa professeure de mathématiques. Jeff Cox en avril 1988 à San Gabriel en Californie, Dustin Pierce au lycée de Jackson au Kentucky, Barry Loukaitis en février 1996 au lycée de Moses Lake dans l’Etat de Washington, Michael Carneal en 1997 au lycée de Heath dans le Kentucky, tous des copycat de Charlie Decker, tous lecteurs de Rage. Pourtant il est important de rappeler que ce n’est pas le roman de King qui a poussé ces élèves à commettre ces actes, c’est seulement un élément déclencheur qui n’était bien sûr pas voulu par l’auteur qui a d’ailleurs arrêté la vente et la publication son propre roman. « Il a fallu bien plus qu’un mince roman pour pousser Cox, Pierce, Loukaitis et Carneal à passer à l’acte. C’étaient des garçons malheureux, avec des troubles psychologiques profonds, des garçons tyrannisés à l’école et meurtris à la maison par la négligence, ou carrément la maltraitance, parentale. » - extrait de l’essai Guns. C’est donc bien l’accumulation de plusieurs facteurs qui pousse ces jeunes à l’impensable.

Ce phénomène est aussi décrit dans le thriller américain « Copycat » réalisé par Jon Amiel et sorti en France en 1996 qui met en scène une enquête sur un tueur en série, Peter Foley, qui imite des scènes de crimes de tueurs en série célèbres tels que Albert Desalvo, Bianchi et BuonoDavid Berkowitz et Jeffrey Dahmer.

Entre aussi en compte la présence d’armes à feu dans le foyer, les enfants ont l’habitude de vivre en présence d’armes, pour eux c’est quelque chose de normal que d’en avoir et de l’utiliser. Cette présence d’armes peut aussi influer sur le comportement des détenteurs. En décembre 2015, Sciences et Avenir interview Laurent Bègue, un professeur de psychologie sociale à l'université Pierre Mendès-France de Grenoble. Monsieur Bègue explique qu’en plus de l’augmentation des agressions, la facilité avec laquelle on peut se procurer une arme et circuler librement avec apporte d’autres conséquences : « Cette disponibilité a également un effet sur les mécanismes de reproduction de la violence. Le professeur américain Jeffrey Bingenheimer et ses collègues ont suivi pendant plus de deux ans un panel de 1.500 adolescents âgés de 12-15 ans dont une partie avait été personnellement témoin de violences impliquant une arme à feu et l'autre non. […], ils ont démontré ceci : les adolescents qui avaient été témoins de l'usage violent d'armes à feu étaient deux fois plus enclins à commettre eux-mêmes des agressions dans les deux années qui suivaient. » Et donc posséder une arme dans un foyer a de graves effets selon le professeur : « Le fait d'en avoir une dans un foyer triple le risque d'homicide intrafamilial ou impliquant un proche. Mais ce n'est pas la seule conséquence. Aux États-Unis, presque deux tiers des morts causées par arme à feu sont des suicides. »

Les Etats-Unis connaissent une véritable culture de la violence, qui s’exprime sous différentes formes décrites par Sophie Body-Gendrot, sociologue française et professeure de civilisation américaine à la Sorbonne, dans Les nouvelles formes de la violence urbaine aux Etats-Unis. Tout d’abord la violence est manifestée par la présence de nombreux gangs dans différentes villes américaines : « New York compte 50 gangs avec 5.000 membres (de 9 à 40 ans), Chicago, 125 avec 12 500 membres ; Dallas 225 gangs, mais le record est battu avec les 600 gangs de Los Angeles qui regrouperaient quelques 70 000 jeunes » qui utilisent la violence pour « maintenir la crédibilité de l'individu » et « le protéger des exactions perpétrées par ses clients, sa bande, ses voisins. Elle doit être systématique et répétitive de manière à établir une réputation. » Puis on la retrouve dans un fort trafic de stupéfiants. Madame Body-Gendrot écrit : « selon le Département de la santé et des ressources humaines (HHS), les Etats-Unis consomment 60 % de la production mondiale de drogue », ce qui donne lieu à des guerres de gangs concernant la vente de ces produits illicites. Elle précise d’ailleurs que l’accès facilité aux armes joue un très grand rôle dans cette culture de la violence : « L'accès des gangs aux armes les plus sophistiquées est sans aucun doute la cause principale du taux d'homicide élevé des Etats-Unis. La dernière livraison des fabricants de Floride propose des armes particulièrement légères pour les enfants et imperméables aux empreintes digitales ».

Madame Mary O'Toole

Photo issue de son site: www.maryellenotoole.org

Monsieur Hassid et

la couverture de son livre 

source photo: www.lemoci.com

couverture du livre: https://www.amazon.fr

Johann Wolfgang

von Goethe

Première édition du roman de

en allemand à Leipzig, Allemagne

source: Wikipédia 

Stephen King

Poster pour le film "Copycat"

Monsieur Laurent Bègue

Ce graphique proposé par statista.com montre que les drogues tuent beaucoup plus que les accidents de la route depuis 2008.

en bleu: le nombre de morts par accident de voiture

en noir: le nombre de morts liées à la prise de drogue

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